Acte de présence
Bleu profond de la haute mer –miroir de la frayeur, de la dépossession de soi, mais encore de l’infini désir.
Cap maintenu, dans la fragilité de l’instant, vers la satiété de toujours.
Silences
C’est dans l’instant où la saison décline
que la source veut repartager la lumière
les doigts s’incurvent alors comme la lame
d’une charrue et brisent la première motte.
Il y a toujours une herbe sous le caillou
toujours un frisson sous le songe.
Pour desceller le mot englouti dans la pierre
la seule patience du vent
le feu sans âge où tourbillonne l’infini
-- ce geste simple
qui dénoue le corsage des fleurs
et surprend l’ombre où s’ordonnait l’impossible.
Que fait cette herbe au milieu du chemin ?
Que fait cette herbe
sinon braver la rupture
sinon trahir une exigence de clarté .
Mouvement 60 (à la mémoire de Louis Saguer)
Chaque ombre épargne ta brûlure
chaque chose grandit
dans la lenteur retrouvée
dans le martèlement si proche
qu’il traverse notre sang
la nuit ouvre ses portes
sur les terrasses désertées
un pas y résonne très clair
pour suspendre aux étoiles
ce feu d’un autre voyage
l’ombre plus lente à présent
dessine sur le vieux dallage
les rameaux de ma mémoire
que j’irai cueillir demain
quand chaque chose aura grandi
dans l’intervalle apaisé
où toutes les rumeurs du monde
ont fait glisser leur chant
un geste encore se suspend
semant dans la nuit ses flocons
neige épargnée au creux des terres
sur laquelle le premier vent
mêlera les fruits épars
que j’irai cueillir demain
quand les choses auront grandi
Le monde est bleu
Le monde est bleu le soir
quand la clarté s’affaisse
au-delà des ravins
tous les bleus de la mort
s’accrochent aux collines
comme un manteau sur des épaules
un dernier cri traverse nos paupières
nous buvons l’eau qui glisse entre les arbres
et la lumière fond entre nos doigts
les ombres longues des pierres
désignent le matin
où nous prendrons dans le chemin
un destin reposé.
© Lucien Guérinel - 2007-2024